
Implantologie basale: Introduction
« La fonction crée l’organe » — Jean-Baptiste de Lamarck (1744–1829), naturaliste français.
Avec le temps, et suite à la perte des dents, la crête alvéolaire subit des transformations majeures : elle perd progressivement en hauteur, en épaisseur et en densité. En post-extraction immédiate, la crête est encore suffisante pour permettre la pose d’implants axiaux. Mais par la suite, il devient nécessaire de recourir à diverses techniques chirurgicales de reconstruction osseuse pour retrouver des conditions compatibles avec l’implantologie axiale (greffes d’apposition, greffes en onlay, technique de Summers, sinus lift, etc.). Ces interventions nécessitent cependant un volume osseux résiduel minimal.
Lorsque la résorption osseuse se poursuit, l’os alvéolaire disparaît presque totalement, ne laissant place qu’à l’os basal — la structure matricielle de la face. Seuls subsistent les piliers du visage, essentiellement composés d’os cortical : piliers ptérygoïdiens, piliers zygomatiques, piliers canins et épine nasale. C’est à ce stade que la technique **Diskimplant** prend tout son sens dans le cadre de l’implantologie basale. (cf. Fig. 1)
Deux techniques implantaires :
L’implantologie basale repose sur deux techniques implantaires distinctes.
Insertion axiale :
Le forage est réalisé au sommet de la crête à l’aide d’un foret monté sur un contre-angle à basse vitesse. L’implant est ensuite vissé dans une crête osseuse présentant plus de 7 mm de hauteur et plus de 6 mm de largeur. L’axe prothétique suit celui de la crête osseuse (cf. Fig. 3).
Insertion latérale :
L’ostéotomie est effectuée par voie vestibulaire à l’aide d’un cutter monté sur une turbine à très haute vitesse (300 000 tours/min), sous aquaplaning. Cette technique est utilisée dans les crêtes inférieures à 3 mm, les crêtes fines en lame de couteau ou les crêtes plates et larges. Le Diskimplant® est ensuite impacté dans une loge sous-dimensionnée afin d’assurer un bon blocage primaire (cf. Fig. 4).
L’implant à plaque d’ostéosynthèse
L’implant à plaque d’ostéosynthèse est une évolution du Diskimplant®, inspirée des plaques d’ostéosynthèse utilisées en chirurgie maxillo-faciale. Son design reprend la forme du Diskimplant®, avec une base allongée de 33 mm ou 43 mm, pour une largeur de 9 mm ou 7 mm. Cette base est dotée d’œillets permettant de fixer des vis d’ostéosynthèse autoforantes de 4 à 7 mm de longueur.
Le reste de l’implant est une réplique du Diskimplant®, avec une tête implantaire munie d’un hexagone externe protégé et d’un système à cône Morse reposant sur le concept de la connectique plane. (cf. Fig. 5)
Concept de l'Implantologie Basale
L’implantologie basale prend tout son sens dans les cas d’atrophie osseuse. Le chirurgien s’appuie alors sur les structures osseuses fondamentales du visage :
- l’apophyse ptérygoïde du sphénoïde, os de la base du crâne, composé d’os cortical, où s’insèrent les muscles ptérygoïdiens médial et latéral ;
- l’apophyse zygomatique de l’os malaire (pommette), point d’insertion du muscle masséter ;
- le pilier canin, où s’insèrent les muscles peauciers responsables de la mimique faciale ;
- l’épine nasale.
L’implantologie basale utilise les deux techniques d’insertion — axiale et latérale — selon le principe de l’appui cortical. En effet, le **blocage primaire de l’implant** ne peut être obtenu que par une insertion dans de l’os compact. (Il est intéressant de noter que là où s’exercent des insertions ou tractions musculaires, on trouve naturellement un os cortical à forte densité.)
Les prothèses en implantologie basale sont **transvissées** et ne nécessitent pas le parallélisme des implants grâce au système de **connectique plane**, qui s’insère dans un **cône Morse protégé**. Elles sont posées en **MCI** (mise en charge immédiate), et leur structure en **chrome-cobalt** leur confère une rigidité élevée, jouant ainsi un rôle de **fixateur externe** favorisant la cicatrisation osseuse.
Apports de la préparation ostéogénique et de l’utilisation du Botox
La préparation ostéogénique a été développée par le Dr Isaak Bindermann (Tel-Aviv) et le Dr Gérard Scortecci (Nice) sur la base d’un principe simple : le sondage osseux préalable à la chirurgie, réalisé à l’aide d’ostéotenseurs matriciels recouverts de DLC (*diamond-like carbon*). Ce sondage, atraumatique pour le patient, provoque de micro-fissures dans la matrice osseuse, entraînant un saignement interne qui induit un afflux localisé de cellules souches. Ce processus favorise la densification osseuse, essentielle à un meilleur **blocage primaire** de l’implant.
Trois types de manœuvres sont décrits :
- Sondage intra-osseux dans l’os spongieux, transformant un os de type 4 en os de type 2 (cf. Fig. 11)
- Sondage trans-sinusien qui soulève la membrane de Schneider et provoque un hématome sous-membranaire, lequel va progressivement s’ossifier (cf. Fig. 12)
- Sondage tangentiel sous-périosté, stimulant la fonction ostéogénique du périoste et déclenchant la libération de protéines morphogénétiques osseuses (*BMP – Bone Morphogenetic Proteins*)
Les séances sont espacées de 45 jours, une durée basée sur le pic de concentration des ostéoblastes dans le cycle de néoformation osseuse, permettant une densification optimale de l’os.
Une séquence à 21 jours est utilisée, à contrario, pour ramollir un os trop dur et acellulaire au moment du pic d’ostéoclasie.
La préparation ostéogénique est un élément essentiel à la réussite de nos chirurgies en implantologie basale, sachant que l’atrophie osseuse s’accompagne d’une raréfaction cellulaire des bases osseuses. La stimulation de la néo-angiogenèse s’enrichit d’un potentiel en cellules souches, véritable source de succès dans l’ostéointégration de nos implants.
La toxine botulique
Depuis quelques années, nous avons mis en place un protocole de préparation des muscles masticateurs puissants par l’injection, de manière bilatérale, dans les trois chefs du masséter et du temporal, 15 jours avant la chirurgie. L’injection de toxine botulique a pour effet de bloquer la plaque motrice des fibres musculaires en se fixant sur les récepteurs du neurotransmetteur habituel, bloquant ainsi l’activité de la fibre. L’action de cette toxine est réversible et dure environ 3 à 6 mois.
Lors de l’injection, toutes les fibres musculaires ne sont pas touchées et la paralysie transitoire n’affecte pas l’ensemble du muscle ; toutefois, sa puissance est fortement altérée, de sorte que le patient peut continuer à mastiquer, mais avec une force réduite (la perte de puissance peut être estimée à environ un tiers). Ce protocole est particulièrement intéressant dans les cas d’atrophies osseuses : lors de la mise en charge des implants sur un os résiduel de faible volume et de qualité amoindrie, l’ostéointégration de ces implants est facilitée par une diminution des contraintes mécaniques.
L’injection de cette toxine est régie par une AMM spécifique ; seuls certains médecins sont habilités à utiliser ce produit (chirurgiens maxillo-faciaux, chirurgiens plasticiens, médecins dermatologues). Les injections se font de façon transcutanée dans le muscle masséter et le muscle temporal, de manière bilatérale.
Protocole en l'Implantologie Basale
A/ Analyse pré-implantaire :
Radiographie panoramique (réalisée au centre d’implantologie) (cf. fig.13)
Scanner (réalisé chez le radiologue) (cf. fig.14-15-16-17)
Modèle stéréolithographique (reconstruction 3D en plastique du maxillaire à l’échelle 1, réalisée à partir du scanner chez Matarialyse Dental France). Ce modèle constitue la base de la prise de décision en implantologie basale. Il permet de visualiser, avant la chirurgie, le type d’intervention envisageable. Il sert également, en cours d’intervention, à prendre tous les repères nécessaires au bon positionnement des implants. (cf. fig.18)
B/ La chirurgie : sous anesthésie locale
Atrophies maxillaires
8 implants basaux seront utilisés et répartis selon les piliers de la face, avec quelques variantes au niveau de la carène jusqu’à l’épine nasale.
- 2 implants ptérygoïdiens axiaux : (cf. fig.19)
- 2 implants zygomatiques : implants à plaque d’ostéosynthèse. Ces implants sont sous-périostés sur leur plus grande longueur et endo-osseux au niveau de la crête. (cf. fig.20)
- 2 implants canins : implants à plaque d’ostéosynthèse. (cf. fig.21)
- 2 implants à l’épine nasale : 2 diskimplants asymétriques (antirotationnels), mono-disques ou doubles disques selon la hauteur résiduelle de la crête, sont impactés en endo-osseux strict.
L’empreinte sans porte-empreinte (Dr Alain ANSEL) est exécutée à la fin de la chirurgie, et une prise de mordu à butées d’occlusion (Dr Alain ANSEL) détermine la dimension verticale de la face en vue de la mise en charge immédiate des implants dans les 72 heures (délai raisonnable pour permettre au prothésiste de fournir une prothèse transitoire en titane-chromanite-résine de qualité). (cf. fig.22-23)
Une radiographie panoramique de contrôle est réalisée en fin de chirurgie. (cf. fig.24-25)
Atrophies mandibulaires
Les atrophies mandibulaires sont gérées de la même façon dans les zones postérieures où 2 implants à plaque d’ostéosynthèse sont placés dans la zone du trigone rétro-molaire, fixés avec plusieurs vis d’ostéosynthèse. (cf. fig.45)
La zone antérieure entre les deux trous mentonniers sera gérée de façon différente selon la topographie du site :
- lorsque la zone est assez large et haute, la technique axiale est privilégiée et 5 implants axiaux sont placés de façon parallèle (cf. fig.46)
- lorsque la zone est également atrophique en lame de couteau, on utilisera des implants à insertion latérale (doubles disks asymétriques) (cf. fig.47-48-49)
- dans les zones mentonnières plates (pencil mandibula), des mono-disks sont les implants de prédilection pour la réhabilitation de ces mandibules atrophiques (cf. fig.50-52)
C/ La prothèse transitoire en implantologie basale :
La prothèse transitoire dans les cas d’atrophie comprend obligatoirement une reconstitution par fausse gencive destinée à compenser la perte de la crête alvéolaire. Sans cela, les dents apparaîtraient trop longues et inesthétiques. Cette fausse gencive doit être conçue en lame de couteau pour éviter les accumulations alimentaires et permettre un nettoyage facile et hygiénique pour le patient. Entre les émergences d’implant, cette fausse gencive sera légèrement compressive afin de limiter le risque de résorption osseuse secondaire. (cf. fig.26-27-28)
L’armature est monolithique (conçue sans soudure) en chrome-cobalt et d’épaisseur suffisante pour assurer une forte rigidité, jouant ainsi le rôle de fixateur externe garantissant une bonne ostéointégration en mise en charge immédiate (MCI) des implants fixés sur un os résiduel atrophique. L’armature est posée sur les implants grâce à une connectique plane assurée par des bagues de collage en titane, qui permettent également une isolation électrolytique. (cf. fig.29)
La prothèse d’usage sera réalisée après 12 à 24 mois, une fois l’ostéointégration validée. L’occlusion aura pris sa place et les éventuelles résorptions secondaires seront stabilisées. La prothèse de transition servira alors de transfert pour l’occlusion, la phonétique et l’esthétique du sourire. Cette prothèse d’usage peut être une nouvelle prothèse titane-chromanite-résine avec des dents en céramique ou un bridge céramo-métallique, avec ou sans fausse gencive en céramique (cf. fig.30 et 31). Les procédés d’usinage et les avancées technologiques nous orientent de plus en plus vers des prothèses « définitives » en Zircone, dont le procédé ZIRKONZAHN® représente la quintessence (cf. fig.32-33-34).