Salle d'operation

Des implants dentaires sans greffe osseuse

Lundi, 2 juillet 2012

Auteur(s): Nancy Cattan (Nice matin)

Activer les cellules souches pour réaliser des implants dentaires, sans greffe osseuse. Une intervention réalisée avec succès chez un jeune Niçois né sans dents définitives

Mehdi (1) a 25 ans. Il en paraît 12. Le jeune Niçois souffre d'une maladie génétique extrêmement rare : une dysplasie ectodermique avec agénésie totale. Comprenez, Mehdi n'a aucune dent définitive. Lorsque ses dents de lait s'en sont progressivement allées, c'est un grand vide qui s'est installé. Depuis de nombreuses années, il vivait ainsi avec un petit appareil dentaire qu'il tenait difficilement avec sa langue et faisait des repas une véritable épreuve. Mais depuis quelques semaines, Mehdi a retrouvé le sourire. Un sourire à pleines dents... fixes. Son cas est emblématique des progrès de la recherche bioclinique appliquée à l'implantologie.

Un cas exceptionnel

Le jeune homme est le premier patient au monde porteur de ce type d'anomalie à bénéficier d'une implantation totale des deux mâchoires et de dents fixes immédiates. Sans recours à des greffes osseuses. Son cas était présenté lors du congrès Euro Implanto Nice 2 012.« On a pu réaliser une chirurgie mini invasive dans un volume osseux extrêmement réduit, puisque l'on n'a pas eu besoin de greffe », relate le Dr Gérard Scortecci, qui a réalisé cette intervention à la polyclinique Saint-Jean de Cagnes-sur-Mer. Habituellement, lorsqu'il n'existe plus ou pas assez d'os (comme dans le cas de Mehdi), on en prélève au niveau du crâne ou de la hanche du patient. Une intervention relativement lourde qu'il n'était pas possible d'envisager pour lui. D'où l'idée de réaliser au préalable une «activation ostéogénique » (2). Explications. « On crée au niveau de l'os des mâchoires un microtraumatisme qui favorise au bout de 45 jours, la formation, à partir de cellules souches, d'un cal osseux bien vascularisé. Et c'est dans cet os actif que l'on met l'implant. L'intégration de celui-ci est alors assurée à 99 %, avec une très bonne cicatrisation. »

Un mois après l'intervention, Mehdi semble ravi. Mais la prudence s'impose encore avant de crier victoire. « Mehdi n'était pas habitué à avoir un obstacle dans la bouche. Nous pouvions craindre qu'il ne l'accepte pas et s'abstienne de manger. Pour l'heure, cela ne semble pas du tout le cas. Quoi qu'il en soit, les dents n'étant pas scellées, on aura toujours la possibilité de les dévisser. »Cela peut surprendre, mais les dents doivent aussi s'apprivoiser. La psychologie prend alors le pas sur la technique et peut défier la raison !

 

1. Le prénom a été modifié.

2. Ces techniques sont enseignées dans le cadre du Diplôme d'implantologie basale de l'Université de Nice.

 

De l'os pour fixer l'implant

L'implantologie dentaire n'est pas une discipline récente. C'est en 1903 que l'on a commencé à envisager de remplacer les dents par des cylindres en platine iridié. Pourtant, « on a longtemps cru que ça ne marcherait jamais », rappelle le Dr Scortecci. « On craignait en effet que les implants n'engendrent des maladies infectieuses en faisant communiquer le milieu externe, la cavité buccale et le milieu interne, l'os, stérile. »Grâce au titane, cette crainte a été dissipée. Reste un facteur limitant : la quantité d'os résiduel pour visser l'implant. Faute de quoi, il faut prélever, sous anesthésie, un peu d'os dans d'autres parties du corps pour le greffer là où il fait défaut. Beaucoup de praticiens hésitent encore à pratiquer cette intervention.